Mot du président


 Dr My Said Afif
 Président de la SMSM



La Société marocaine des sciences médicales résulte de la fusion, en 1973, de la Société de médecine et d’hygiène et de la société marocaine de chirurgie. La société d’hygiène est la première société scientifique qu’a connu le Maroc. Créée en 1923, elle était animée par des médecins essentiellement français à l’époque, pour des raisons historiques. Elle offrait un cadre d’échange d’expériences et, à partir de 1965, elle a joué un rôle important dans l’encadrement des congrès maghrébins qui, depuis, se déroulent chaque année successivement au Maroc, en Tunisie et en Algérie.

Aujourd’hui, la SMSM réunit 48 sociétés savantes de spécialités médicales dont elle est, en quelque sorte, la société mère. Depuis l’instauration du processus de mise en place des référentiels de prise en charge des maladies, elle est organisée sous forme d’un conseil d’administration avec un comité directeur chargé de coordonner cette activité.
Ce comité intervient également pour défendre le point de vue des professionnels sur d’autres thématiques dès qu’elles intéressent le champ scientifique.Le rôle de la SMSM est donc avant tout scientifique : Effectivement, la SMSM a un rôle purement scientifique. Elle s’informe de l’évolution de la pratique de la médecine au Maroc et elle est le moteur de la production de recommandations de bonnes pratiques dans un cadre multidisciplinaire, dans le cadre de l’AMO et dans la pratique médicale.
Elle joue également un rôle majeur dans la gestion de la formation médicale continue que poursuit un praticien depuis l’obtention de son diplôme jusqu’à la fin de sa vie professionnelle.

La SMSM a organisé plusieurs débats et congrès autour de l’obligation de la formation médicale continue (FMC) au Maroc, justement parce qu’il n’existe pas de disposition législative qui rende la FMC obligatoire au Maroc. La FMC est primordiale et chaque médecin, ne serait-ce que parce qu’il a promis fidélité au serment d’Hippocrate, a l’obligation morale d’assurer sa formation continue afin de donner le meilleur de lui-même aux malades et aux patients qui s’adressent à lui. Les connaissances scientifiques, qui se développent et évoluent de plus en plus vite, ont un cycle de vie plutôt court -entre quatre à cinq ans-, d’où la nécessité de les renouveler constamment. Actuellement, si tout le monde s’accorde sur le caractère impératif de cette formation, le débat est ouvert à l’échelle internationale sur son caractère obligatoire. Certains pays en ont décidé ainsi, en Europe et en Amérique du Nord, par exemple, et d’autres non.d’accompagnement. En 1995, la SMSM a émis le souhait de la création d’une agence destinée pour la rendre obligatoire, il faut mettre en place un certain nombre de mesures à l’encadrement de cette activité qui impliquerait les sociétés savantes, probablement les organisations syndicales, les instances ordinales, les autorités académiques et les pouvoirs publics.

Aujourd’hui, avec la dynamique que connaît le pays, nous espérons que cette recommandation sera bientôt concrétisée. Les pouvoirs publics sont interpellés.La question du financement par des fonds publics qui n’existent pas s’inscrit dans le cadre des mesures d’accompagnement à l’obligation de la FMC. Actuellement, les sociétés savantes ne perçoivent pas de subventions. Elles tirent leurs ressources des cotisations de leurs membres, bien entendu insuffisantes, pour mettre en place des actions de FMC coûteuses.

Sans le partenariat avec l’industrie pharmaceutique, il n’y aurait pas de formation continue.Et ce, malgré tous les problèmes moraux et éthiques que cela pose. Le financement par le biais de l’argent public est souhaitable car il protège des conflits d’intérêts. De plus, en matière de gestion de conflits d’intérêts, les recommandations de l’Organisation Mondiale de la Santé et des instances internationales sont devenues de plus en plus pressantes au regard de certains dérapages constatés au Maroc, en France, et ailleurs.En matière de formation de base initiale, il existe trois types de formation.

La formation qui se déroule sur les bancs universitaires. Le Maroc vit actuellement dans le cadre du projet de formation de 3300 médecins d’ici l’an 2020 parce que le ratio médecin/habitant reste encore insuffisant au regard des données nationales ; 20 000 médecins pour 30 millions d’habitants, c’est insuffisant et le Maroc est appelé à augmenter la cadence de la formation. Cette augmentation de cadence nécessitera des investissements, la création de nouvelles facultés de médecine (des projets sont en cours à Tanger et Agadir notamment) et l’augmentation de numerus clausus (ce qui a été fait). En ce qui concerne la formation pratique, le problème se pose au niveau des stages hospitaliers. La médecine s’apprend par compagnonnage, a-t-on coutume de dire. Or, dans les régions de Casablanca, Fès ou Marrakech, les terrains de stages manquent actuellement. Les étudiants sont nombreux et les capacités d’encadrement des services sont dépassées. Il va falloir soit construire de nouveaux CHU, ce qui demande des moyens, soit établir des partenariats avec les hôpitaux non universitaires. La demande vient des étudiants et du corps professoral.

Les centres de santé de base constituent également un vivier de terrains de stage dans la mesure où les médecins seront de plus en plus appelés à y exercer. Le débat sur le profil du médecin de demain est ouvert. Nous assistons à un changement démographique, épidémiologique et la médecine devient de plus en plus technique. Tous ces changements imposent une réflexion sur la médecine de demain et le médecin marocain doit être armé pour accompagner ces changements. La formation à distance, troisième aspect de la formation initiale, joue aussi à ce niveau un rôle essentiel. La télémédecine se développe de plus en plus et permet un élargissement du public cible. Les facultés de médecine sont équipées de ce système et certains services hospitaliers travaillent déjà en connexion avec des partenaires en Europe ou aux Etats-Unis. En parallèle, les banques de données sur Internet, dans les médiathèques… méritent d’être étoffées pour encourager l’auto-apprentissage.

La recherche médicale, qui poursuit des objectifs communs à ceux visés par la FMC, attend aussi une législation, du moins en ce qui concerne les essais cliniques.La production de recommandations de bonne pratique médicale -qui seront transformées en référentiels de prise en charge une fois validées sur le plan socio-économique et culturel, est une pratique issue de la tradition anglo-saxonne. Le système de formation anglo-saxon était basé sur le transfert des connaissances centré sur l’étudiant. Pourquoi ? Parce que l’étudiant qui paye sa formation attend des résultats.

Ces résultats, il les obtient après une évaluation qui n’a de valeur que si elle s’appuie sur des repères, des références. Il s’agit d’une pratique de normalisation que les pays d’Europe latine, par exemple, n’avaient pas développée dans la mesure où les études étaient financées par l’argent public. Les exigences n’étaient pas les mêmes. Ces pays ont adopté tardivement le système des référentiels, lorsque la gestion économique l’a imposé.

Pour le Maroc, il s’agit aujourd’hui de produire des recommandations sur la base de la lecture de la bibliographie internationale et des données épidémiologiques locales qui permettront de définir le parcours d’un patient : quels sont les examens à envisager ? Quels sont les traitements préconisés ? Quel est le rythme du suivi ? Quel est le coût ? Ces recommandations deviendront des référentiels opposables dès lors qu’elles auront été validées en termes socio-économiques et culturels. Les référentiels préciseront ce que les organismes tels que la CNOPS ou la CNSS prendront en charge et pour quel montant. À partir de là, tout patient aura droit à la même prise en charge, au même traitement, qu’il s’adresse au public ou au privé, qu’il réside en ville ou à la campagne. Par conséquent, les structures de santé vont devoir se mettre à niveau.

L’expérience qui nous est offerte dans ce pays est unique car nous nous sommes organisés autour d’un consensus national qui veut que le référentiel vienne après la production des recommandations de bonne pratique par des équipes de scientifiques multidisciplinaires. Nous sommes les premiers à procéder ainsi et notre expérience intéresse d’autres pays.Cinq référentiels sont prêts. Ils deviendront opposables à signature de l’arrêté ministériel. Une quinzaine d’autres est en cours de production. Le processus d’élaboration est long, il nécessite trois à quatre années de travail et la loi impose une réévaluation tous les cinq ans.